Pensé dans le prolongement des pièces Empty picture (2013) et Longing (2014), le projet Weaver initié en 2015, s’articule à la question de la mémoire des gestes ouvriers et du monde paysan. Il s’inspire des traditions tisserandes (entre l’Italie, le Maroc et la France) autant que du folklore rural lié au tarentisme (un trouble nerveux qu’on attribuait à une piqûre d’araignée) pour chercher à en « repriser » les récits culturels, à les reprendre comme on les répare.
Conçu à la suite des rencontres avec des ouvrières aujourd’hui malades d’Alzheimer, Weaver confronte deux images de la mémoire blessée : d’une part, le tarentisme devenu danse folklorique (la « tarantella ») se fige dans une représentation édulcorée, qui en altère le souvenir, quand d’autre part, les troubles amnésiques irrémédiables que produit la maladie empêchent la transmission d’un patrimoine gestuel.
Weaver a d’abord pris la forme d’une installation multimédia (son, image vidéo et performance) modulable et réalisée in situ (Weaver raver, 2015). Dans sa forme dansée, Weaver quintet réunit un quintette composé de trois danseuses (Véra Gorbatcheva, Daphné Koutsafti, Juliette Morel), d’une compositrice (Deena Abdelwahed) et d’une scénographe-lumière (Rima Ben Brahim). Ensemble, elles forment une communauté féminine, secrète et soudée, une sororité liée par un destin commun. Ce quintet est accompagné du chorégaphe, Alexandre Roccoli.
Entendant cicatriser ces mémoires blessées en recouvrant ces histoires perdues, Weaver se pose comme un dispositif de conservation moins documentaire qu’affecté, ouvrant la voie à une possible résilience.
Alexandre Roccoli (France) est lauréat de la commission Spectacle Vivant de la Cité internationale des arts.