Retour sur Dialogues Afriques #1

avec Éric Androa Mindre Kolo

Dans ses performances Éric Androa Mindre Kolo voit le corps comme émetteur et récepteur d’émotions mais aussi d’évènements et de conflits qui traversent le monde. Sa posture, sa gestuelle ainsi que les accessoires qu’il fabrique, objets quotidiens détournés de leurs fonctions, contribuent à rendre sensible cette façon de percevoir. Une poétique qui interroge l’espace public. Ses performances et installations interpellent les publics via des images aussi bouleversantes que cocasses. « Mon outil principal, écrit-il, est mon propre corps, que je mets en scène selon ce que je perçois de mon entourage, sans autre objectif que de transcender les apparences, de cristalliser symboliquement les rapports de force et les tensions, d’y apporter une forme de poésie ».

 

Déglingages d’un monde en proie au capitalisme sauvage, urbicide, questionnements sans concession de l’espace public, mais aussi poétiques du corps dans la ville, imaginaires du futur, humour décapant : les perfomances qu’offre Éric Androa Mindre Kolo sont autant de propositions qui tout à la fois nomment le désastre et lui opposent une fin de non-recevoir. 

 

Lors de la première séance de Dialogues Afriques en fin 2019, Éric Androa Mindre Kolo performe Pas peur de mourir, qu’il présente ainsi : « Mon corps rend hommage aux milliers de personnes qui ont dû quitter leur pays et leur famille pour aller chercher la vie, la paix, le travail, la sécurité. Certains d’entre eux ont perdu la vie au cours de leur voyage. Quelqu’un qui part et envisage l’éventualité d’un échec, celui-là peut trouver le péril absurde et donc l’éviter. Mais celui qui part pour la survie, qui considère que la vie qu’il a à perdre ne vaut rien, celui-là, sa force est inouïe parce qu’il n’a pas peur de la mort (Fatou Diome). Cette performance traduit certains moments de ce voyage, véritable calvaire entre la vie et la mort, la douleur et l’espoir »

 

Au Théâtre du Tarmac, en avril 2018, Éric Androa Mindre Kolo donne une autre performance. Celle-ci se déploie dans le cadre du projet Yif Menga, dirigé par Dominique Malaquais et Julie Peghini, dont Éric Androa Mindre Kolo est un acteur clé. Rencontre entre artistes et chercheurs de générations et de disciplines différentes, le projet privilégie la rencontre de champs de connaissance et de pratiques autour de l’enjeu social, politique et esthétique majeur que représente de nos jours la performance dans les Afriques.

 

En décembre 2017 et janvier 2018, un collectif d’intellectuels chrétiens organise des marches pacifiques contre le maintien de Joseph Kabila au pouvoir. Celles-ci sont violemment réprimées. L’Église catholique est en première ligne. La performance d'Éric Androa Mindre Kolo au Tarmac s’inspire de ces événements et prend elle-même position : un refus radical de la soumission, du désespoir. Battre un brèche la dictature prend ici la forme d’un chemin de croix, tout à la fois douloureux, poétique et sardonique. 

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