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Pays rêvé, pays revers

Sous le commissariat de Juliana Caffé

Du 16 février au 19 mars 2023 | Vernissage le 15 février 2023, 18h/21h

Petite Galerie - Cité internationale des arts

Pays rêvé, pays revers présente les œuvres de quatre artistes qui réfléchissent, à partir de l’imaginaire politique de la frontière, aux flux culturels mondiaux, présages d’un monde en pleine reconstruction. 
 

Dans le contexte contemporain de la mondialisation, la dynamique capitaliste crée d'intenses déplacements d'objets, de personnes et d'idées. La logique mercantile traverse les frontières en imposant des critères d'optimisation, de quantification, de productivité et de rentabilité. Comment ces transits se matérialisent-ils sur les subjectivités individuelles et collectives mais aussi dans le paysage, considéré comme une réalité spatio-temporelle vécue, dotée de caractéristiques symboliques et politiques ? 
 

Avec des œuvres d’Ayesha Hameed, Daniel Jablonski, Noara Quintana et Sofía Salazar Rosales, l'exposition tisse des réflexions poétiques sur les relations entre l'Amérique latine et l'Europe depuis le XIXème siècle et leur développement contemporain. 
 

Quelques-uns des thèmes abordés dans l’exposition sont : l'importation de l'Art nouveau par le modernisme brésilien ; celle du commerce du latex en France, une exploitation autochtone amazonienne ; la modernisation de l'Équateur matérialisée dans le conflit esthétique entre le béton armé, le bois et la canne de bambou comme matériaux de construction urbains ; la relation entre le changement climatique et les économies de plantation ; la fiction de l'origine dans les cultures historiquement qualifiées comme "autres" ; et la condition d'être un immigrant à l'étranger.

 

Juliana Caffé (Brésil) est en résidence par le biais du programme « 2-12 » de la Cité internationale des arts. 

 

Artistes présentés 
Ayesha Hameed

 

Ayesha Hameed, Black Atlantis: the Plantationocene, 2020-2023, lecture performance le 22 février 2023, 18h30, Auditorium 
 

Dans les performances-conférences d’Ayesha Hameed, les thèmes liés aux déplacements et aux frontières, aux mouvements migratoires et au commerce, offrent des réflexions poétiques sur les relations entre les êtres humains. Black Atlantis : the Plantationocene, un essai audiovisuel en direct réalisé par l’artiste, s’inscrit dans la route commerciale entre deux îles des Caraïbes situées au cœur du commerce triangulaire atlantique : une ancienne plantation de la paroisse de St George à la Barbade, et la ville portuaire de Port of Spain à Trinidad, pour réfléchir aux liens entre le changement climatique et les économies de plantation.
Évoquant le concept de plantationocène de Donna Haraway et Anna Tsing, Ayesha Hameed propose comme fil métaphorique la matérialité de la mer et ce qu’elle appelle une « plantation aqueuse ».


Ayesha Hameed (Royaume-Uni) est en résidence dans le cadre du programme « Art Explora x Cité internationale des arts ».

 

Daniel Jablonski 

 

Daniel Jablonski, discussion avec l'artiste autour de son oeuvre Hy Brazil le 22 février 2023, 19h30, Petite Galerie 

 

Hy Brazil de Daniel Jablonski, trace une cartographie de l’imaginaire colonial, entre mythe, fantasme et déception de soi. Réfléchissant sur les cultures historiquement «autres », l’artiste s’inspire d’une île fantôme, appelée Brésil (ou Bressail, O’Brazil, Bracil, Bracir, etc.) avant même la découverte de l’Amérique. Présente sur la quasi-totalité des cartes européennes entre 1325 et 1870, Brazil était localisée en divers points de l’Atlantique Nord, allant des côtes irlandaises au Canada. Sa forme a également varié considérablement, toujours basée sur des hypothèses et des rapports de voyageurs. Dans son installation, Daniel Jablonski reproduit 46 de ces formes historiques en bois brésilien Muirapiranga. Ce bois est officiellement appelé « faux Pau-Brasil », en raison de sa coloration proche de celle de l’arbre dont le pigment rouge a donné son nom au pays sud-américain. Au-delà de la simple homonymie entre territoires, il y a quelque chose à apprendre de ces erreurs : « Vu de loin, de l’extérieur ou d’en haut, le Brésil ne semble pas être autre chose qu’une île déserte en attente d’un colonisateur, un significatif vierge en attente d’un discours rédempteur. Son existence concrète ne change rien à son statut essentiellement fantomatique. Après tout, aujourd’hui comme hier, aucune réalité n’a jamais empêché les fantômes les plus sauvages du désir et de l’inconscient de s’y épanouir et d’y proliférer ».
 

Daniel Jablonski (Brésil) a été en résidence à la Cité internationale des arts en 2021. 

 

Noara Quintana

 

Dans Evenings of Water, Noara Quintana explore les liens historiques entre le Brésil et l’Europe. Par exemple, Belém do Pará, une ville de l’Amazonie brésilienne, était connue à la fin du XIXème siècle comme un Paris des Tropiques, en raison de l’usage  dans son architecture de motifs typiques de la Belle Époque française. La modernité de la ville n’a été possible que grâce aux ressources provenant de l’exportation du latex, une exploitation autochtone brésilienne largement intégrée dans la consommation européenne. Si le principe de l’Art Nouveau était de ressembler aux formes de la nature, dans l’œuvre de Noara Quintana, un objet du quotidien enveloppé dans du latex rappelle par sa forme l’Amazonie. L’installation nocturne reproduit le Victoria-Regia, une plante amazonienne qui ne fleurit qu’au coucher du soleil et qui doit son nom à la reine Victoria d’Angleterre. Au XIXème siècle, le Victoria-Régia a été transportée aux Kew Gardens, à Londres, le même jardin botanique où ont germé pour la première fois les graines de contrebande de l’hévéa Havea brasilinesis, source du latex. À Kew, le jardinier et architecte Joseph Paxton s’est plongé dans une recherche approfondie de la structure du lys flottant. Inspiré par cette étude, il a conçu le Crystal Palace de Londres en 1851 - monument technologiquement innovant et fleuron de l’architecture moderne - en reproduisant en métal et en verre la structure nervurée du Victoria-Regia. En inversant les processus d’appropriation, Noara Quintana révèle non seulement la manière dont les transits réverbèrent de multiples mouvements, mais aussi les effacements ethnoculturels encouragés par les politiques économiques coloniales.


Noara Quintana (Brésil) a été en résidence à la Cité internationale des arts en 2020-2021. 

 

Sofía Salazar Rosales


Dans les sculptures de Sofía Salazar Rosales, la relation entre les matériaux utilisés et leurs signifiants est le point de départ de réflexions affectives. Dans Meeting space(s), elle reproduit en ciment un ensemble de nattes typiques de certaines régions d’Amérique latine, tissées en fibre végétale. Le geste de superposition fait allusion à la modernisation de la ville portuaire de Guayaquil, en Équateur, qui, avec l’arrivée des constructeurs européens au début du XXème siècle, a vu le bois et la canne de bambou rapidement remplacés par le béton armé. Cependant, des caractéristiques de l’architecture vernaculaire survivent au sein des bâtiments modernes. Cette trace de l’essence qui résiste et s’intègre est utilisée par l’artiste comme un fil métaphorique pour appuyer sa condition d’étrangère. Les tapis cimentés, utilisés dans son atelier comme base pour d’autres oeuvres, font allusion à sa tentative de préserver, dans un territoire étranger, une essence structurelle.

Dans une autre série de sculptures en ciment, l'artiste reproduit du matériel de construction et de plantation. Dans l'installation, cependant, ces dispositifs sont pliés et fatigués. Traités avec affection par l’artiste, qui les manipule avec des tampons de gaze et de beurre de cacao pour les hydrater et les réchauffer, ils sont comme des objets de transition, profondément liés à son processus de séparation avec sa terre natale, ainsi qu’au besoin de, comme elle le dit, « prendre racine ». Dans Le poids de porter une graine autour du cou, nous apercevons la vision de Léonora Miano, où les identités frontalières sont ancrées dans un espace permanent de soins et d’affection, et non de rupture. 

 

Sofía Salazar Rosales (Équateur/Cuba) prépare actuellement un master à l'École des beaux-arts (ENSBA Paris). Elle est titulaire d'un Bachelor of Fine Arts avec distinction de l'École des Beaux-Arts de Lyon (ENSBA Lyon).

 

informations pratiques

Visible tous les jours, de 10h à 20h, sauf le mercredi, de 10h à 21h.

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