commissariat d'exposition

La rencontre des eaux

Une proposition de Claire Luna

du 03 mars au 23 avril 2021

Petite Galerie - Cité internationale des arts
partenaires

 

Ils parlent des langues qui font le bruit d’un fleuve lointain (1)

 

 

La rencontre des eaux, c’est ce phénomène très particulier dans lequel deux fleuves ou deux mers se rencontrent sans jamais se mélanger. Elles s’accompagnent simplement, tout en conservant leur propre température, salinité et densité. Autrement dit : une union en toute intégrité.

 

A force d’avoir été considérée comme une source à exploiter (cette année l’or bleu est devenu un produit spéculatif) ou un simple élément chimique (2), on a pu en oublier les forces symboliques, philosophiques, mythologiques et de croyances qu’elle charrie en traversant les temps et les cultures. Sans parler de sa place dans les religions, notamment l’islam : on lit déjà dans le Coran, "Et c'est Lui qui donne libre cours aux deux mers (…). Il assigne entre les deux une zone intermédiaire et un barrage infranchissable." (Sourate 25, Verset 53)

 

Cette "zone intermédiaire" c’est La rencontre des eaux : un projet qui a émergé dans le cadre de ma résidence curatoriale. Après quelques visites d’ateliers, j’ai réalisé que cet élément liquide si familier et en même temps toujours mystérieux apparaissait ça et là dans les projets que les artistes sont venu.es développer en résidence à la Cité. Leur approche respective, qui ouvre un large spectre de réflexions sur cet élément, m’a ainsi conduite à concevoir une programmation autour de l’eau en trois expositions à la Petite Galerie de la Cité internationale des arts accompagnées de la programmation satellite Affluents.

 

Le cycle est inauguré avec l’exposition individuelle Drip Drop The Rain de Chedly Atallah, continuera avec Polaris de Sara Kamalvand puis Metaphora – prélude de Camille Pradon.

Affluents est l’occasion d’ouvrir des espaces d’échanges et de rencontres, notamment avec la visite des ateliers (3) de la vidéaste Magali Dougoud qui construit de nouvelles mythologies en partie inspirées de l’hydroféminisme, mais surtout par le flot des voix multiples. Julie Ramage dévoile son projet de machine hydrodynamique dont le flux de l’eau métaphorise la circulation des échanges internes entre les détenus.es. Mathilde Lavenne propose Focus infinity, un fjordmovie magnétique. Avec Birth Canal, le compositeur Koki Nakano nous plonge dans cette sensation océanique et fœtale que nous avons tou.te.s traversée avant de fixer notre individualité. Une idée remise en question par Marko Vuorinen dans son portrait de Rebecca, une artiste rom et queer de cirque macabre qui vit à Paris dans le refus de la fixité.

 

Le 22 mars, journée internationale de l’eau, Mathias Depardon et Joan Ayrton se rencontrent pour parler du barrage en Mésopotamie et dans les esprits. La performance Ondine de Nicolas Faubert (son de Grégoire Terrier ; costume Nefeli Papadimouli) dans l’exposition Metaphora – prélude à la Petite Galerie, viendra clore le cycle de La rencontre des eaux, qui, je l’espère ne sera qu’une première goutte dans un océan futur de réflexions et d’échanges pour "(re)donner parole à l’eau" (4).

 

 

(1) Erri de Luca, La nature exposée, Gallimard, collection folio, 2017, p.13.

(2) Ivan Illich, H20 Les eaux de l’oubli, éditions Terre urbaine, coll. L’Esprit des Villes, 2020.

(3) Compte tenu de la situation sanitaire, la visite des ateliers s’inscrit dans un programme de visites à destination des professionnel.les.

(4) Gaston Bachelard, L’eau et les rêves, Essai sur l’imagination de la matière, p. 209, 2019.

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