Les mises en bouche d’Eva Gerson, c’est une marque de récits gastronomiques poétiques. Pour sa première collection printemps/été, elle sortira une carte postale-recette de saison chaque mois. Les quatre premières cartes assemblées feront apparaître une cinquième recette impossible et absolue.
Eva Gerson compose des récits fantasmés-poétiques qui se déploient dans l'espace à travers des installations sonores et visuelles. En 2016, elle publie son premier livre aux éditions LVM, La Dorsale Dorée et Pied de chameau ou IFE. Les mots changent de formes dans l’espace d’exposition, ils viennent orner, composer, s’effacer dans les sculptures. Dans Virus pour vierge, le tampon format A4 et sa valise encrier viennent contaminer les pages vierges. Suite à sa résidence au KuBa à Sarrebruck, Allemagne et aux vues de celle qui se préparait à Sapporo, Japon elle plonge une pièce entièrement dans le noir. Une lumière UV se déclenche à l’entrée des visiteurs dévoilant des mots, de peinture fluorescente, éparpillés sur le mur. Ils sont extraits du roman policier poétique qui verra sa suite se prolonger lors de la résidence au Japon. Les mots sont autant d’indices à relier pour découvrir ce qui se trame.
Les mots, les récits envahissent tout.
J’ai le coeur en lard
“Colonnata” mon amour
La poudre de féta crépite
entre mes doigts tendus
Surtout ne pas flamber
Surtout ne pas dresser
L’asperge est étendue sur le drap
La tête fourrée dans un pli
T’as le droit qu’à une chance
Je vais te dévorer
Tout n’est qu’une histoire de cuisson
One shot
Cru à coeur -Paf!- dans le creux (calibre 22)
juste posés sur la saillie musculaire
“Iskatcha-Huitsch”, la crème s’envole
Je serre les dents
ça résonne
le Goût
Mise en bouche inspirée d'une création du cuisinier Félix Long
Et ma betterave bat,
Un mix(e) rubis terreyx, dys aqueux.
Introduite par la lame en cercle ferme.
L'eau part en fou rire
Faut pas avoir peur de la couleur,
Une fois posée elle bouge plus.
Disposer en tas les queues, par taille.
Au loin polir le gingembre
Lécher le presse A
Sans une hésitation.
Je décalotte quatre fois
Au balsamique blanc
La cerise est nue sans noyau
Mes lèvres croquent une petite mort
Une onctuosité s'affirme
autour d'un cristal parfait
Un final lisse-rouge-atomique
à gober sur des globules de chèvre frais
D'une petite trahison
J'ai glissé dans une gelée melon-boule
D'or mon coeur
J'ai les sentiments verts-pâles, odorants
Mon cuisinier a le mensonge sirupeux et la serveuse facile
Le champagne bout
Le champagne bouhou
Temps-mort-dans-un-tunnel-chauffé
Osmose-phénomène
Vitesse de fabrication pé-né-tra-tion
Temps-mort-dans-un-tunnel-chauffé
Osmose-phénomène
Vitesse de fabrication pé-né-tra-tion
J'ai mis ma polenta de côté, espumé, beaufort ajouté.
Je ferais bien tout sauter
Mais j'en veux
Une dernière bouchée
Entre deux zestes tes doigts, Melliflu
Bouffeur-gobeur de mirabelle, Melliflu
Melliflu, Melliflu, Melliflu, Melliflu, Melliflu, Melliflu
Sur ton zeste ma papille s'excite
Tu tentes de me retenir
Avec un morse aux couteaux ; "Mais reviens !"
Maïs revient
Dans un bain de beurre demi-sel-noisette je vais te quitter
Salop flambé
Mise en bouche inspirée d'une création du cuisinier Félix Long
Eigengrau* donne le ton
Un argot miso ùiso
qui agite des effluves d'olives obscurs
Mes papilles tamisées doublent de volume
léchant, la moitié absorbe
Les autres vients t'y coller, t'y frotter
Jouis mâche jouis puis mâche Dashi jouis dashi vinaigre de riz jouis
Mes goûts changent doucement
Je me fais chatouiller par une galette de riz géante
Lune plate à mes pieds
De dessus tu me regardes dans les yeux
Tous maquillés d'une ménage épicé pailleté
Algues ciselées A/R et dashi poli
Jouis mâche jouis puis mâche Dashi jouis dashi vinaigre de riz jouis
Une eau de tomate réduite tombe du ciel étoilé
Lubrifiant bio et comestible
Lustrant, pour un rendu photogénique brillant
Nous on ne pose pas
Le rythme s'accélère et malgré la morsure du citron
Poudrée, je jouis dans un mégaphone aubergine
Eva Gerson (France) est lauréate de la commission Ecritures de la Cité internationale des arts.