danse chorégraphie

Charles Brecard

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ENTRETIEN

 

Quels sont les avantages d'une résidence à la Cité internationale des arts en tant que danseur ?

 

En tant qu’artiste, il est primordial de s’accorder des temps d’introspection, de réflexion et de récupération dans un monde où tout va trop vite et où nous sommes soumis.e.s à une course effrénée à la production et à la performance. La Cité internationale des arts offre cet environnement où nous pouvons laisser germer ces petites graines de créativité sans la pression du "faire", mais plus dans une optique "d’être" et de "ressentir". Les ateliers sont assez spacieux pour pouvoir s’adonner à son travail à n’importe quelle heure, en danse c’est toujours compliqué d’avoir l’espace adéquat. Il y a aussi l’avantage de pouvoir rencontrer des artistes issu.e.s d’autres cultures, d’autres disciplines, d’autres idéaux et ainsi de pouvoir faire rencontrer des univers qui parfois se confrontent, mais bien souvent se confortent. Il y a comme un consensus sur les différents thèmes que nous abordons et sur lesquels je travaille.

 

Travailleur.euse.s en art, nous sommes vecteurs et antennes de ce qui se passe autour de nous, et voir que nous ne sommes pas seul.e.s fait un bien fou et stimule d’autant plus l’inspiration et la détermination que nous pouvons avoir. Au-delà de l’art, il y a la rencontre humaine, qu’elle soit auprès du public, des autres résident.e.s, de l’équipe de la Cité, ou des autres rencontres possibles hors de la résidence, ce qui nous porte, nous et notre pratique sur une douce vague, du moins pour ce précieux temps de suspens. Paris est une ville foisonnante, riche ethniquement et culturellement, si on prend garde à ne pas se faire submerger par la vague d’information, il est possible d’en retirer le meilleur et d’utiliser tout ce nouveau savoir au service de notre art.

 

 

Quels sont les projets sur lesquels vous travaillez dans le cadre de votre résidence ?

 

À la base, je devais travailler sur un nouveau solo intitulé SOLILOQUY. Finalement la pandémie m’a conduit à le créer l’an dernier et à commencer à le tourner cette année. J’ai donc dédié un certain temps pour retravailler et réadapter cette pièce pour des dates à venir.

Outre cela, j’ai surtout travaillé sur trois axes. D’abord, sur une démarche plus technique et physique : le développement de ma méthodologie d’enseignement et de mon processus de création. Cela me permet de cerner les différentes étapes kinesthésiques du vocabulaire dansé sur lequel je travaille depuis cinq ans, une sorte de fusion de toutes les danses que j’ai pu expérimenter durant mon parcours, en plus d’éléments de chant ou de théâtre. Un jour peut-être, je travaillerai d’autres médiums via des collaborations : vidéo, arts plastiques, etc. Ensuite, j’ai mené un travail de recherche sur différents projets chorégraphiques, un court-métrage et deux nouveaux spectacles, sur lesquels je vais m’atteler à mon retour à Montréal.

 

Enfin, j’ai abordé une approche plus intellectuelle en voulant comprendre comment ma démarche artistique s’inscrit au sein de notre société, en la faisant dialoguer avec d’autres domaines comme l’écologie, la politique, la philosophie, les enjeux de décolonisation, la sociologie et l’anthropologie. En somme, voir les choses de manière systémique et pouvoir décider en toute connaissance de cause : Pourquoi fais-je cela ? Est-ce que cela renforce le système mortifère que je condamne ou est-ce que ça contribue à l’avènement d’autres imaginaires ? Quelle radicalité de discours faut-il trouver face à l'effritement, désormais visible, de notre monde ? Quel parcours dois-je tracer en tant qu’artiste émergent ? Il est très possible que je ne trouve jamais les réponses, mais tenter de les affronter donne en quelque sorte un à ma pratique.


 

Quels sont les bénéfices du programme de résidences développé par POEMART Nouvelle-Calédonie et la Cité internationale des arts ? Qu’est-ce qui vous a mené à y candidater ?

 

J’ai deux amis artistes du pays, Linda Kurtovitch et Sacha Terrat, qui ont déjà bénéficié de ce partenariat. Ils m’ont fortement recommandé de déposer ma candidature. Le POEMART, que je remercie encore pour sa confiance, m’a apporté un soutien financier pour la location des studios de répétitions et les frais d’hébergement ainsi que la mise en contact avec la Cité.

Je n’aurais peut-être jamais entamé les démarches pour obtenir une résidence à la Cité, tant elle semble grande et presque hors de portée au vu de ma brève expérience du métier. Ce programme m’a permis d’accéder à cette opportunité et m’a énormément fait mûrir en l’espace de deux mois. J’espère sincèrement que d’autres artistes pourront venir façonner leur expérience ici tout en s’enrichissant humainement, intellectuellement, culturellement et spirituellement

N’oublions pas que c’est surtout grâce à la culture qu’un pays rayonne et fait valoir sa force. Abstraction faite d’un désir de domination et de supériorité, il me semble qu’un pays est toujours fiers de ses artistes quand ils et elles réussissent, et ce parfois, sans son soutien initial.

Cette collaboration interinstitutionnelle m’a permis d’obtenir le soutien financier de la fondation LOGIQ et du Conseil des Arts du Canada, une confiance en emmène une autre. Un grand merci, c’est un immense privilège d’être à la Cité internationale des arts. C’est à travers l’art que nous résisterons et c’est à travers l’art que nous existons.

 

 

 

BIOGRAPHIE

 

Né en Kanaky en Nouvelle-Calédonie et vietnamien d’origine, Charles Brecard se forme à l’École de danse contemporaine de Montréal et vit à présent sur le territoire montréalais (Tio’tia:ke/Mooniyang). Il collabore avec de nombreuses compagnies, institutions et artistes de disciplines variées.

Sa curiosité l’a conduit à développer FLUIDIFY, une pratique influencée par les danses urbaines, traditionnelles et contemporaines et par son métier de massothérapeute sportif. Il l’a partage au sein de festivals, sous forme de médiation culturelle ou dans le cadre de cursus pédagogiques. Ses chorégraphies, empreintes d’une grande physicalité, de poésie et d’activisme, l’amènent à se déployer localement et internationalement via des commandes ou des projets indépendants.

Son solo SOLILOQUY reçoit notamment le prix de la Meilleure Interprétation en 2021. Il est co-initieur du "Bercail", lieu nomade de pratique, de partage et de recherche.

 

Sa résidence à la Cité internationale des arts, soutenue par le POEMART de Nouvelle-Calédonie et le Conseil des Arts du Canada, a pour objectif d’étoffer sa démarche artistique.

Chercheur passionné, il vise à approcher sa pratique de manière systémique en établissant des liens entre des domaines aussi variés que le théâtre, la sociologie, la philosophie, la géopolitique et l’écologie, afin de comprendre comment s’inscrire dans un système qui s’effrite en tant qu’artiste émergent. Il souhaite ainsi inciter à une révolution politique, poétique et spirituelle des corps et des esprits.